les-lpalies-de-brazzaville-300x157-2236642 Quelques plaies incurables d’une société en décadence

Par : Jean-Claude BERI

Pour juger de l’état de santé d’une société, il convient de cerner les actions et les valeurs qui lui servent de locomotive. Depuis le retour sanglant de Denis sassou Nguesso, la société congolaise stagne et à certains endroits, elle  entame  sa lente déliquescence des fondements sur lesquels elle s’est établie. Pendant que d’autres pays de la sous –région  (Rwanda et Guinée-équatoriale par exemple) excelle par une constante évolution  se mesurent à l’aune de la nature du mouvement qui les poussent en avant, le Congo-Brazzaville brille par un amateurisme économique, par  une forte dégradation de la vie des congolais. Certains avatars que vivent les congolais devraient être mentionnés dans le livre des records Guinness de la mal gouvernance.

Un ami de retour à Brazza (pour eux qui ont encore cette opportunité de  s’y rendre ) m’a relaté une situation catastrophique de ce qui était jadis Brazza la verte.

C’est maintenant « Brazza le m’en-foutisme » diront-on  qui a pris le dessus par une urbanisation décadente et une société en grave  crise de repère. Ce n’est plus seulement  le cycle sans fin de représailles dans un coin du quartier qui est terrifiant mais c’est aussi  les errements d’une administration qui assomme plus les congolais.

Voici quelques traits de cette décadence.

Au Congo-Brazzaville, il devient plus grave de mourir que d’être pauvre et sans ressources malgré ses compétences. Car l’administration des Pompes funèbres de Brazzaville dirigée par le maire de la ville a transformé cette institution en une entreprise très lucrative. Faisant ainsi du mort une source précieuse de revenu.  Non seulement le congolais de son vivant est réduit à une condition de mendicité en lui privant du minimum mais après sa mort il doit sortir des millions qu’il n’a jamais eu de son vivant. La classification des pompes funèbres et cimetières en VIP est une aberration voir une honte pour le maire de Brazzaville. De la Mbochisation du pays,  ou seuls ceux qui jouissent d’une rentrée intarissable de revenu survivent ,  on est passé à la discrimination des morts. Si vous n’avez pas assez de moyens soyez en sûr que votre corps subira les pires humiliations voir le déshonneur de la famille. Cela va de la maltraitance des cadavres de la morgue jusqu’à la mise en biais  dans des conditions les plus inhumaines. De l’autre côté vous observez des enterrements qui ressemblent à une fête.  Tout y est. Cela va du corbillard climatisé au cercueil serti de diamants dorés conçu avec le bois le plus cher du monde « acajou ». La sirène même est sur commande et payable au nombre d’utilisation a hauteur 25 000 f CFA par action. Cette triste réalité est la résultante de la frénésie du maire qui souhaite à tout prix  faire du business avec ce qui à l’époque relevait de la morale bantoue congolaise qui obligeait un minimum de respect pour le mort à défaut de considérer que  tous les morts égaux.  La maire de Brazzaville a refusé de répondre à nos appels  prétextant que ces services obéissent aux lois de la république.

Quelle est cette république ou l’on proclame haut et fort le « vivre ensemble » mais dans la réalité c’est une société désarticulée qui vit en vase clos ou le repli sur soi prime la solidarité.

Autres décisions conduisant gravement à la dépravation de la jeunesse congolaise. L’absence de cadre juridique pouvant réglementer la vente de l’alcool.  Comme on dit souvent « si tu veux détruire une société pas besoin de larguer une bombe,  il suffit simplement d’abaisser le niveau d’instruction et laisser libre court à la consommation d’alcool par les jeunes ». Ainsi, pour beaucoup de jeune  qui trouve que c’est une avancée que le prix de la bière soit réduit. Trois bières à 1000 f CFA provoque l’envahissement des bars très tôt le matin et jusqu’au lendemain. En encourageant ces pratiques le gouvernement en fait applique un principe simple mais tout aussi destructeur « une jeunesse qui boit ne réfléchit pas »  C’est une action « complotiste » bien huilée et mise en place pour détourner la jeunesse des vraies questions de demain.

De même des quartiers entiers sont laissés à l’abandon dans une dégradation urbaniste inacceptable. Dans ces quartiers souvent situés dans la partie Nord du pays, il est très risqué de sortir la nuit devant la défaillance d’éclairage urbain . Car les caniveaux béants font autant des victimes que les érosions des terrains. Chaque jour on dénombre de centaines de factures et blessures causées par ses caniveaux laissées à l’abandon devenant ainsi des pièges blessants  .  «C’est une guerre de pauvres, de populations qui se sentent souvent abandonnées»  confie un résident de NGAMAKOSSO.

L’usine de KINSOUDI laissée à l’abandon devient le repaire des voyous de tous genres. Les braquages et les viols sont devenus le lot quotidien des habitants de cette localité. L’insécurité grandissante dans cette zone donne nettement l’impression que ces populations sont des laisser pour compte face aux devoirs de la sécurité publique.

Et que dire  de la Cité des 17 à MOUKONDO  devenue une Cité fantôme. Les lotis qui jadis marquaient une certaine fierté de ce quartier qui prévoyait ainsi un avenir meilleur dans un cadre propice à l’habitat. Ce rêve s’est brisé au fur et à mesure victime de la mauvaise  politique d’entretien des locaux par la ville   et  laissant ainsi  place à une forme d’occupation anarchique par certains dignitaires qui essaient de rafistoler quelques bâtisses.

Enfin plusieurs quartiers et marchés publics de Brazzaville végètent de nos jours dans une insalubrité totale. C’est à se demander face à pareil calvaire que vivent les Brazzavillois, ce que font les autorités en charge de la Ville ? En se rendant dans tous les marchés de Brazzaville, il y a lieu, malheureusement, à croire que l’insalubrité de nos jours fait partie intégrante des habitudes des Brazzavillois, s’érigeant forcée  en une nouvelle manière de vivre. Que peuvent-ils faire d’autre ?

A cela, c’est sans compter sur la nature irresponsable de ces dirigeants dont le mot d’ordre politique vacille entre les promesses non tenues, l’hypocrisie politique mais surtout la corruption endémique qui sont la marque de fabrique aujourd’hui du pouvoir vieillissant et amorphe de Denis Sassou Nguesso. Faut-il s’en prendre à ceux qui se livrent à dépeindre notre capitale, ou encore faut-il encourager cette critique ?

Pourtant, la réalité voudrait que l’on soit sincère avec nous-mêmes. Faut-il laisser  BRAZZAVILLE s’enfoncer de plus belle dans ce tourbillon de dégout vomitif et répulsif ?

Brazzaville, la plus grande métropole du Congo fait la particularité de se distinguer par la saleté criarde qui y règne. Les ordures ménagères et les déchets de toutes sortes jonchent dans les quartiers, les marchés et certaines places publiques. Tel est le visage lugubre que présente Brazzaville par son insalubrité, qui des décennies antérieures était appelée « Brazza la verte ».

Brazzaville est toujours de plus en plus sale, invivable, et exposée aux multiples maladies, d’où l’appellation de « Brazza la poubelle ».

Encouragées par le silence complice ou la bienveillance du gouvernement congolais, les autorités municipales  s’obstinent à détourner les fonds destinés à équiper et à moderniser la ville avec des moyens urbains de lutte contre l’insalubrité.

L’illusion d’un changement, avec le pouvoir actuel, s’est vite évanouie. Personne n’est dupe, le Congo reste arc-bouté sur les pratiques anciennes de corruption, de pillage, de détournement de fonds et surtout d’une absence criarde de politique de création d’emploi pour l’amélioration de l’environnement immédiat des congolais.

L’idée qui consiste d’ouvrir grand les portes d’un débat sur l’insalubrité à Brazzaville fait peur aux responsables municipaux. Pourtant, il offrirait une plate-forme nationale à des jeunes candidats pour faire des propositions de sortie de crise face à ce dilemme.  L’ambition politique d’un tel débat va au-delà de tout intérêt personnel.

Le paysage désolant et affligeant qu’offrent tous les marchés de Brazzaville ne laisse pourtant plus le moindre doute possible sur la nécessité de nettoyer Brazzaville à fond, ou « au karcher » comme dirait l’autre. Pourtant l’on s’offusque pas de construire des somptueuses villas côtoyant les immondices et autres ordures alors que l’insalubrité a atteint des limites inacceptables.

Avec le mauvais état des routes qui rend difficile la circulation et les tas d’immondices qui se forment ici et là, c’est la croix et la bannière pour les Brazzavillois.

Tout cela pour dire qu’un système verrouillé qui s’obstine dans ses errances ne peut profiter pleinement de la contribution de chacun. Une ploutocratie de cancres  a succédé à notre démocratie, et notre société ne pourra réellement changer que lorsque ses propres contradictions l’auront amenée mécaniquement au bord du gouffre. Face à ce constat, deux choix s’imposent. Le premier consiste à être le chantre inconditionnel du système, et à l’approuver aveuglément dans ses moindres faits et gestes, sous prétexte que c’est en son sein que l’on est né et que l’on ne connaît pas de meilleur ordre des choses. Le deuxième implique de défendre des valeurs, d’être objectif et critique vis-à-vis de tout ce qu’une société propose. J’opte pour ce dernier choix, avec la conviction qu’il s’agit de la position la plus patriote tandis que la première est lâche et imbécile, que c’est avec la généralisation d’un tel état d’esprit qu’une nouvelle donne peut être lancée, et que la réalité de la liberté et du respect des droits de l’homme puisse alors attribuer toute sa beauté à un nouveau système émergent.

Jean-Claude BERI