Réponses du Président du DAC face à la situation politique Congolaise

TRIBUNE LIBRE

Jean-Claude BERI,  Président de l’association « DÉVELOPPER AUTREMENT LE CONGO » se livre pour la première fois sur les ambitions de son association, sur la Diaspora  et sur la situation de son pays le Congo-Brazzaville. Il répond aux questions posées par les lecteurs du site www.dac-presse.com

Question 1 : Pourriez-vous nous présenter votre association ?

Jean-Claude BERI : L’association DAC est née de la volonté des membres de l’ancienne association ADNEC qui ont voulu restructurer cette dernière par une nouvelle vision et une  nouvelle approche d’appréhender les réalités sociales, politiques, économiques, culturelles, juridiques tout en affirmant leur attachement à l’unité nationale congolaise. C’est ainsi, en ayant dans la ligne de mire la recherche des voies et moyens pour accéder au développement par une démocratisation saine et équilibrée, le 7 mai 2010 l’association DAC a été officiellement promulguée.

Question 2:  Ne pensez-vous pas qu’il y a déjà assez d’associations congolaises ayant les mêmes objectifs que la votre ?

JCB : Possible, mais cela n’exclut pas que l’on s’exprime différemment sur les sujets d’une ampleur capitale pour l’amélioration des conditions de vie des congolais. Comme je le dis souvent, tous les congolais sont politisés, chacun a son idée, son programme et veux être calife à la place du calife. Cette situation crée souvent une discordance nuisible dans la transmission des messages politiques. On vise pourtant tous, enfin en grande majorité, la même chose. Mais lorsqu’il s’agit de s’accorder pour unifier nos exigences et nos efforts, on est souvent confronté à la difficulté de parler d’une seule voix.

Question 3:  Vous qui  êtes dans ce milieu (diaspora française)  depuis des années, comment expliquez-vous cette division de la diaspora tant décriée par les congolais ?

JCB : Effectivement, cela fait 16 ans que j’observe, avec stupeur,  nos propres lacunes à s’unir. Il ne me paraît pas faux d’avancer que la société civile congolaise est disparate et totalement engluée dans les considérations mesquines de politique politicienne. Il ne faut pas trop espérer sur une adhésion massive. Apprenons à compter d’abord sur nous mêmes. C’est-à-dire sur les femmes et des hommes de valeurs. Nous nous connaissons assez bien et aujourd’hui nous savons comment il serait possible de fédérer nos efforts. C’est déjà une victoire sur la peur et la politique inerte qui brille au sein de cette société civile congolaise. Le but est de montrer notre détermination à aller vers l’avant pour résoudre la crise politique et stopper la dérive actuelle de dilapidation des biens publics. Agissons donc avec efficacité et mettons en avant les actes qui correspondent à notre volonté d’agir. Cette idée fait un consensus sur lequel il est possible de s’unir. Donc ce n’est pas une division insurmontable.

Question 4:  Vous serez prêt à vous ranger derrière un congolais qui ne serait pas de votre association  ni encore moins à un membre de  la diaspora qui ne partagerait pas  votre philosophie ?

JCB : Je ne sais pas si la Diaspora a une philosophie, en tout cas elle n’est pas encore visible, en mon sens. Il faudrait commencer par la rendre crédible et consensuelle. Pour ce qui concerne l’association dont j’ai l’honneur d’assumer la responsabilité, nous travaillons sur la base des projets. S’il se trouve qu’un compatriote  présente un programme plus édifiant et plus unitaire, pourquoi devrions-nous nous offusquer à le soutenir de toutes nos forces ? Nous n’avons plus de temps à perdre, à planifier des actes dont nous savons qu’ils nous retarderont par leur inefficacité ou simplement par une absence totale de cohérence. Il faut bien se mettre en vue que l’objectif est de pousser le gouvernement de M. Denis Sassou Nguesso au dialogue. Un dialogue que nous souhaitions constructif et innovant dans la pratique de l’exercice politique. Il faut donc préparer les prémices de ce dialogue. Cessons donc de tergiverser sur  les questions  stériles.

Question 5: Pensez-vous vous associer avec l’opposition sur le terrain ?

JCB : Je ne suis toujours pas d’accord, sur certains points,  avec cette opposition dite classique. Mais il faut admettre qu’elle se bat avec les moyens qui sont les siens devant cette armada de puissance en place. Notre main reste tendue vers toutes les forces démocratiques, à condition qu’elles soient dignes et patriotiques.

Question 6:  Dans vos objectifs, vous avez fait de la suppression des sacs plastiques au Congo-Brazzaville une priorité, les congolais ont massivement applaudit cette initiative, pensez-vous aujourd’hui que cet objectif est atteint ?

JCB : Vous avez raison cet objectif est une de nos priorités. Mais il faudrait souligner une chose importante. Cette idée est une recommandation datant de 2000 du PNUD auquel notre pays avait adhéré. Seulement dans la pratique, il nous a semblé très clairement que l’idée était rangée dans les tiroirs. L’association DAC (Développer Autrement le Congo) a estimé   le 22 juillet 2009, au cours d’une réunion de ses membres à Villeurbanne dans la région lyonnaise, relancer cette idée  citoyenne et solidaire pour la suppression des sacs plastiques. Bien que nous ne soyons pas encore parvenus à faire adopter la loi, l’idée est globalement intégrée par les actuels responsables. Nous continuons à mettre la pression sur ces derniers pour une application plus généralisée de cette démarche. Nous avons publié un compte rendu sur cette problématique. Vous pouvez consulter l’article qui a été  publié à ce sujet sur le site www.dac-presse.com.

Question 7: Que pensez-vous des révoltes dans les pays arabes et du moyen orient, le Congo-Brazzaville peut-il se sentir menacé ?

JCB : Dans l’ensemble, les congolais espèrent vivement que les choses changent positivement au Congo-Brazzaville. Ces révoltes qui sont une émanation de la volonté populaire des peuples à vouloir plus de changement social et plus de démocratie. C’est dire que ces révolutions sont approuvées par les congolais. Elles suscitent tellement d’espoirs que c’est à nous de faire en sorte qu’elles soient transformées en résultats positifs. Ce sont des indications claires pour donner un message fort au pouvoir en place. Vouloir le départ de M. Denis Sassou Nguesso et de son gouvernement  ne suffit  pas, il faut lui opposer une alternance digne de confiance avec des hommes et femmes au dessus de tout soupçon. C’est tout bonnement que l’on peut se poser l’ultime question. Quelles conditions doit-on réunir pour proposer à notre peuple une autre voie que celle de la violence ? Fort de ce constat,  nous examinons avec d’autres partenaires associatifs  les pistes ci-dessous afin de permettre une réflexion en vue d’une alternance pacifique face à la politique  en vigueur.

* Mise en place d’un conseil national de transition pacifique,* Ouverture du dialogue avec l’opposition véritable et les associations politiques (diaspora et nationales),* Réhabilitation de la constitution issue de la conférence nationale souveraine,* Suspension du gouvernement actuel,* Dépolitisation effective de l’armée et rééquilibrage des nominations des officiers, * Démocratisation des postes économiques et d’Etat,* Augmentation du SMIC à 100.000 CFA,* Augmentation de la bourse des étudiants à 40.000 CFA,* Démantèlement des « armées et polices  parallèles »,* Réhabilitation d’une armée et police nationale au service du peuple.

C’est  sur ces points particuliers que doit s’articuler notre travail avec les congolais. Toutes ces questions devraient être débattues sans qu’il y ait effusion de sang, tel est notre souhait bien sûr.

Question 8: D’après le chef de l’état congolais M. Denis Sassou Nguesso, le spectre de la guerre civile hante encore les congolais qu’en pensez-vous ?

JCB : Il faudrait plutôt avancer que M. Denis Sassou Nguesso cultive justement cette hantise nommée « la sassouïsation des esprits des Congolais ». Il a construit son pouvoir sur de la braise qu’il ne cesse d’attiser à chaque fois que le peuple lui réclame des comptes sur sa gestion politique du pays. Il essaie régulièrement d’opposer une fausse rupture contre le passé sombre que nous avons connu  et dont il est l’un des instigateurs principaux et une rupture positive qui demande un changement total dans la pratique de l’exercice politique. Nous avons fait de l’exemplarité au sommet de l’Etat  une autre de nos priorités. Il se trouve que ces hommes sont loin d’être des modèles. Il nous faut mener une politique de rupture qui ne peut pas être celle menée par cette classe politique qui ne cesse de montrer ses limites. A défaut de convaincre le peuple par une politique sociale  proche des citoyens, par une redistribution équitable des richesses, par une accessibilité à l’emploi, M. Denis Sassou Nguesso choisit l’intimidation. Ce n’est pas le peuple qui veut la guerre, il faut plutôt regarder vers ceux qui ont injustement spolié ce dernier.

Question 9: A vous entendre, il n’y aurait rien de positif à retenir des 26 ans de pouvoir du Président Denis Sassou-Nguesso ?

JCB : Vous dites bien en 26 ans de pouvoir !  Vous pensez que le congolais serait aujourd’hui aussi miséreux qu’il y a 30 ans si le pays était bien gouverné durant ces 15 dernières  années?  Savez-vous que le Congo n’a jamais été aussi riche qu’il l’est actuellement, mais pourtant plus de 66% de la population ne mange pas à leur faim ? Est-il normal  qu’en  10 ans, plus  de la moitié de la richesse nationale soit concentrée entre les mains d’un clan ?  Voyez-vous les exemples de ce type, on peut les multiplier autant de fois pour prouver que le Congo est mal gouverné. Bien sûr, il ne faut pas non plus tomber dans une sorte de psychose d’opposition archaïque pour ne pas reconnaître les quelques avancées opérées par M. Denis Sassou Nguesso. Le barrage d’ Imboulou, Route Brazzaville-Pointe, les aéroports de Pointe-Noire, Maya-Maya, d’Ewo, d’Ouesso, les bâtiments administratifs comme le Palais des congrès, ministère des affaires étrangères, le Senat, la Préfecture de Brazzaville, etc. Seulement tout ceci est insignifiant par rapport à l’immensité des moyens et des projets qui ne sont pas concrétisés. La corruption est devenue un fléau inguérissable tant que les agents vecteurs continuent de proliférer dans le système économique congolais  sans être inquiétés. Oui,  je serais tenté de dire que c’est un échec flagrant, les 26 ans du règne de M. Denis Sassou Nguesso.